Méthanisation, Innovations et Territoires Écologiques (Meth’InTerE)

FINANCEMENT : Appel à projet thématique 2020-2022 Centre des politiques de la Terre (CPT) 30 000€

La méthanisation constitue une nouvelle forme de production d’énergie renouvelable à partir de la décomposition de la biomasse en milieu anaérobie. Ce procédé industriel a d’abord connu un développement rapide en Allemagne où il a soulevé de nombreuses controverses liées au fait que les unités de méthanisation agricoles (UMA) étaient relativement homogènes ; elles utilisaient quasiment toutes de la culture dédiée (céréales) comme intrant pour le méthaniseur. La controverse principale portait sur le risque de voir la production d’énergie se substituer à celle de la production alimentaire. Malgré ces débats outre-Rhin, la méthanisation agricole connaît une croissance rapide en France depuis la fin des années 2000. Le modèle français des UMA est relativement éloigné du modèle allemand puisqu’il s’est d’abord développé en tant qu’outil de valorisation de biodéchets (fumiers et lisiers), notamment du fait de la réglementation qui limite à 15% des intrants la possibilité d’utiliser de la culture dédiée. Les premières UMA françaises se sont en conséquence développées dans les filières d’élevage (Berthe et al. 2018). Toutefois, les résultats d’une enquête nationale auprès de 50 UMA françaises montrent qu’elles sont aujourd’hui très diversifiées en termes de taille, d’intrants utilisés, d’investisseurs impliqués dans les projets, etc. (Grouiez et al. 2020). Plus précisément, les UMA se placent sur un continuum entre deux modèles distincts. D’une part, des UMA ne dépassant pas le 300 KWe et dont l’intrant est principalement constitué de fumiers et lisiers fournis par des éleveurs. D’autre part, des UMA de taille plus importante (de 300 KWe à 3 GWe), portées par des céréaliers utilisant une diversité d’intrants (fumier et lisier, cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), menue-paille, déchets du secteur agro-industriel, etc.).

L’objectif du projet, financé par le CPT, est de nous engager dans une démarche interdisciplinaire afin d’identifier les leviers technologiques, économiques, géographiques et politiques à activer pour proposer des solutions innovantes aux difficultés aujourd’hui rencontrées par les deux modèles de méthanisation française. Il s’agit plus précisément de comprendre dans quelle mesure les travaux scientifiques peuvent proposer aux UMA les moyens de lever les verrous techniques, économiques et politiques. La participation de notre équipe à cette étude est orientée sur le volet expérimental et le suivi de l’utilisation des produits issus de la méthanisation.

La méthanisation agricole permet le recyclage de la fraction organique de nos déchets grâce à l’action de bactéries anaérobies et en conditions contrôlées. Ce processus va générer une matière hétérogène appelée digestat, riche en éléments nutritifs. Il peut être utilisé en épandage afin de valoriser ce « biodéchet » et remplacer tout ou partie des engrais. Cependant, il existe un risque de détérioration de la qualité des sols liée à cette utilisation du digestat, notamment car il est de plus en plus produit avec des intrants agro-industriels dont on ne mesure pas encore aujourd’hui les effets.

Il existe également des valorisations alternatives des digestats, notamment la pyrolyse du digestat qui permet de récupérer un vecteur énergétique et un matériau hautement carboné, le biochar. Ce dernier est actuellement testé comme intrant pour les cultures (Gul et al. 2015). Nous proposons d’étudier comment les champignons pourraient améliorer la qualité et la composition des digestats (“bioremédiation »), ainsi que celles du biochar. En effet, les études que nous menons au LIED montrent que les champignons permettent d’améliorer la biodisponibilité de composés essentiels aux cultures, comme le phosphore, immobilisés dans le biochar.

Il est admis que les pratiques culturales influencent fortement la santé des sols qui résulte d’interactions multiples entre des composantes physico-chimiques et biologiques (Joint Research Centre (European Commission) et al. 2016). Le sol est en effet un milieu très complexe et hyper compétitif, contenant un grand nombre de microorganismes. C’est une ressource vivante et dynamique, dans laquelle les champignons, en particulier, jouent un rôle majeur par leur capacité à dégrader la biomasse (Brun et al. 2009; Xie et al. 2014, 2015, 2018; Couturier et al. 2016; Demoor et al. 2019) (Couturier et al., 2016; Brun et al., 2009, Xie et al., 2014, 2015, 2018; Demoor et al., 2019). Mieux connaître la composition chimique et la biodiversité du sol peut donc permettre de poser un diagnostic sur l’état des sols dans un contexte où l’utilisation de nombreux intrants influence fortement l’équilibre des systèmes vivants en place. Dans ce contexte, il est proposé de réaliser des échantillonnages des sols au niveau des UMA sélectionnées et d’analyser les nutriments principaux du sol (N, P, K, etc.), quelques métaux majeurs, de même que quelques pesticides potentiels. L’analyse de la diversité des microorganismes présents ainsi que leur identification sera faite par des approches globales de détection d’ADN (métagénomique et NGS). De plus, les perturbations éventuelles des communautés microbiennes seront analysées à l’aide d’une méthode développée au LIED et permettant de réaliser des analyses statistiques sur les échantillons de terres.

Berthe A., P. Grouiez, and L. Dupuy, 2018 Les « upgradings stratégiques » des firmes subordonnées dans les CGV : le cas des éleveurs investissant dans des unités de méthanisation. undefined.

Brun S., F. Malagnac, F. Bidard, H. Lalucque, and P. Silar, 2009 Functions and regulation of the Nox family in the filamentous fungus Podospora anserina: a new role in cellulose degradation. Mol. Microbiol. 74: 480–496. https://doi.org/10.1111/j.1365-2958.2009.06878.x

Couturier M., N. Tangthirasunun, X. Ning, S. Brun, V. Gautier, et al., 2016 Plant biomass degrading ability of the coprophilic ascomycete fungus Podospora anserina. Biotechnol Adv 34: 976–983. https://doi.org/10.1016/j.biotechadv.2016.05.010

Demoor A., P. Silar, and S. Brun, 2019 Appressorium: The Breakthrough in Dikarya. J Fungi (Basel) 5: E72. https://doi.org/10.3390/jof5030072

Grouiez P., A. Berthe, M. Fautras, and S. Issehnane, 2020 Déterminants et mesure des revenus agricoles de la méthanisation et positionnement des agriculteurs dans la chaîne de valeur « biomasse-énergie ». 84.

Gul S., J. K. Whalen, B. W. Thomas, V. Sachdeva, and H. Deng, 2015 Physico-chemical properties and microbial responses in biochar-amended soils: Mechanisms and future directions. Agriculture, Ecosystems & Environment 206: 46–59. https://doi.org/10.1016/j.agee.2015.03.015

Joint Research Centre (European Commission), N. C. Johnson, S. Scheu, K. S. Ramirez, P. Lemanceau, et al., 2016 Global soil biodiversity atlas. Publications Office of the European Union, LU.

Xie N., F. Chapeland-Leclerc, P. Silar, and G. Ruprich-Robert, 2014 Systematic gene deletions evidences that laccases are involved in several stages of wood degradation in the filamentous fungus Podospora anserina. Environmental Microbiology 16: 141–161. https://doi.org/10.1111/1462-2920.12253

Xie N., G. Ruprich-Robert, P. Silar, and F. Chapeland-Leclerc, 2015 Bilirubin oxidase-like proteins from Podospora anserina: promising thermostable enzymes for application in transformation of plant biomass. Environ. Microbiol. 17: 866–875. https://doi.org/10.1111/1462-2920.12549

Xie N., G. Ruprich-Robert, P. Silar, E. Herbert, R. Ferrari, et al., 2018 Characterization of three multicopper oxidases in the filamentous fungus Podospora anserina: A new role of an ABR1-like protein in fungal development? Fungal Genet. Biol. 116: 1–13. https://doi.org/10.1016/j.fgb.2018.04.007

PERSONNES ET LABORATOIRES IMPLIQUES :

Biologistes au LIED (F. Chapeland-Leclerc et G. Ruprich-Robert, équipe B2C et R. Ferrari, équipe GEC) ; économistes au LIED (S. Issehnane), au LADYSS (Université Paris Diderot ; P. Grouiez) et à l’Université de Rennes (A. Berthe) ; géographe au LIED (N. Delbart) ; chimiste à l’IPGP (F. Prévôt) ; Sc politiques à Sciences Po, IDDRI (P-M. Aubert et J. Cadiou).