Les sociétés au défi du vivant
De nos conceptions de la vie découlent nos façons de « faire société ». Ce séminaire mettra en dialogue la réflexion de Thomas Heams sur la vie, au travers en particulier de la déconstruction de sa frontière originelle avec l’inerte, et celle d’Olivier Hamant sur la sous-optimalité du vivant, avec comme conséquence son extrême robustesse. Ces deux interventions questionneront en particulier la métaphore du vivant-machine et la notion de performance qui ont chacune à leur façon façonnée les sociétés occidentales et leurs avatars mondialisés.
Olivier Hamant (Biologiste interdisciplinaire, INRAE), La troisième voie du vivant.
Les marques de l’humanité sont omniprésentes sur Terre : l’âge des humains est surtout l’âge de la performance et du contrôle. En miroir, les multiples impacts sur notre milieu questionnent les valeurs de ce « progrès » et sa trajectoire. Alors que faire ? De nombreuses solutions du développement durable paraissent bien contreproductives. La perspective d’un ralentissement général ne mobilise pas non plus. En étudiant les systèmes vivants, nous pourrions apprendre une autre façon d’habiter la Terre. Alors que les sociétés humaines modernes ont mis l’accent sur l’efficacité et l’efficience au service du confort individuel, la vie se construit plutôt sur la fragilité, les fluctuations, l’incohérence… au service de la résilience du groupe. Cette « 3ème voie du vivant » pourrait éveiller un autre chemin dans l’Anthropocène.
Thomas Heams (Biologiste, AgroParisTech/INRAE), Le vivant sans frontières
La question de la frontière entre le vivant et le non vivant est un débat fondateur de la biologie. Mais paradoxalement, ce préalable n’est à ce jour pas clarifié, et les multiples manières de circonscrire le vivant nous en disent souvent plus sur nos habitudes, nos présupposés, sur l’air du temps qui les voit naître, que sur le vivant lui-même. Et trop souvent, le constat de l’impossibilité de définir le vivant, autrement que de manière très restrictive, semble s’imposer. Pourtant, il est possible de saisir cette question de sorte à lui trouver une réponse, en considérant les êtres vivants non pas comme une somme de petits systèmes machiniques, mais comme des entités qui entretiennent un rapport de tension dynamique entre ordre et désordre. Au terme de cette opération épistémologique, l’originalité du vivant apparaît sous un nouveau jour, elle n’est pas tant une somme de caractéristiques qu’une mise en mouvement adaptative de la matière qui autorise un spectre continu de possibles entre les vivants et les non-vivants. De fait, spéculatives ou documentées, des infravies existent et témoignent de cette approche graduelle, qui impose de renoncer à tout exceptionnalisme, sans renoncer à une vision matérialiste du vivant.
Débat final